À l’ère de la digitalisation globale, la monnaie connaît elle aussi une profonde transformation. De nombreux pays à travers le monde expérimentent ou mettent en place des monnaies numériques de banque centrale (MNBC), des versions digitales de leurs devises officielles. Dans ce contexte, l’Algérie envisage elle aussi de créer un dinar numérique, une évolution potentiellement majeure pour son système financier.
Le dinar numérique, émis et garanti par la Banque d’Algérie, serait une version électronique de la monnaie fiduciaire actuelle. Il ne s’agirait pas d’une cryptomonnaie comme le Bitcoin, mais d’un outil monétaire sécurisé et centralisé. Ce projet pourrait offrir de multiples avantages, mais il comporte aussi des risques et des défis. Pour mieux comprendre, il est utile de se pencher sur ses atouts, ses limites et les exemples d’autres pays qui ont ouvert la voie.
1. Avantages
Le premier grand avantage du dinar numérique est la modernisation du système monétaire national. Il permettrait de suivre le rythme des évolutions technologiques dans le secteur bancaire et financier. Il pourrait simplifier les transactions, en les rendant plus rapides, sécurisées et traçables.
Un autre atout majeur est l’inclusion financière. En Algérie, une grande partie de la population n’a pas accès aux services bancaires traditionnels. Le dinar numérique, accessible via un simple téléphone mobile, pourrait permettre à ces personnes d’envoyer, de recevoir et d’épargner de l’argent sans compte bancaire classique.
Le dinar numérique pourrait aussi réduire l’économie informelle, qui représente une part importante de l’activité économique du pays. En favorisant les paiements numériques, l’État pourrait mieux tracer les flux financiers, augmenter les recettes fiscales et lutter contre le blanchiment d’argent.
Ce nouveau système monétaire permettrait également de réduire les coûts liés à la gestion de la monnaie physique, comme l’impression de billets, le transport ou la sécurisation des fonds.
Sur le plan macroéconomique, le dinar numérique renforcerait la souveraineté monétaire, en réduisant la dépendance à d’autres systèmes de paiement étrangers ou aux cryptomonnaies privées.
2. Inconvénients
Malgré ses avantages, le dinar numérique présente plusieurs inconvénients et risques qu’il ne faut pas négliger. Le premier concerne la sécurité informatique. Un système numérique centralisé peut devenir une cible pour les cyberattaques. Une faille dans la sécurité pourrait avoir des conséquences graves sur l’économie nationale.
Ensuite, il y a la question de la protection de la vie privée. Si toutes les transactions sont traçables, cela pose des enjeux importants en matière de libertés individuelles et de confidentialité. Il faudra trouver un équilibre entre transparence et protection des données personnelles.
Le lancement d’une monnaie numérique pourrait aussi déstabiliser les banques traditionnelles. Si les citoyens détiennent directement leur argent auprès de la banque centrale via des portefeuilles numériques, les banques commerciales pourraient perdre des dépôts, ce qui affaiblirait leur capacité à financer l’économie.
Il existe également un risque d’exclusion numérique. Toute une partie de la population – personnes âgées, populations rurales, analphabètes numériques – pourrait avoir des difficultés à utiliser ce type de technologie sans un accompagnement adapté.
Enfin, la complexité de mise en œuvre est un vrai défi. Il faudra créer une infrastructure fiable, établir un cadre juridique clair, former les acteurs économiques et assurer une interopérabilité avec les systèmes existants.
3. Exemples dans le monde
Plusieurs pays ont déjà lancé ou expérimentent des monnaies numériques nationales. Ces initiatives offrent des enseignements utiles pour l’Algérie.
La Chine est l’un des pionniers avec le e-yuan. Déjà testé dans plusieurs grandes villes, il est utilisé pour payer dans les transports, les commerces et les services publics. Pékin espère ainsi concurrencer les géants du paiement privé comme WeChat Pay ou Alipay.
La Banque centrale des Bahamas a lancé le Sand Dollar, une monnaie numérique destinée à faciliter les paiements sur les îles éloignées. Elle vise principalement à améliorer l’inclusion financière et à moderniser les transactions quotidiennes.
Le Nigeria a lancé en 2021 l’eNaira, première MNBC africaine. Ce projet ambitionne de réduire la dépendance au cash et de contrôler plus efficacement les flux monétaires. Toutefois, l’adoption reste limitée, en raison d’un manque de confiance et de compréhension du public.
En Europe, la Banque centrale européenne étudie depuis plusieurs années la création d’un euro numérique. Il serait complémentaire à l’euro actuel, avec un objectif de sécurité, de stabilité et de souveraineté monétaire face aux solutions privées comme les cryptomonnaies.
Aux États-Unis, la Réserve fédérale examine également un dollar numérique, mais reste prudente en raison des implications juridiques et économiques. Ces exemples montrent que chaque pays adapte sa stratégie à ses réalités économiques, culturelles et technologiques. L’Algérie peut s’inspirer de ces expériences tout en tenant compte de ses spécificités nationales.
Conclusion
Le dinar numérique représente une étape majeure dans l’évolution monétaire de l’Algérie. Il pourrait apporter une meilleure inclusion financière, réduire l’économie informelle, moderniser les transactions et renforcer la souveraineté économique du pays.
Cependant, sa mise en place soulève aussi des défis techniques, sociaux, juridiques et économiques. Il faudra garantir la cybersécurité, la protection des données personnelles et l’accessibilité pour tous.
L’Algérie devra s’appuyer sur une stratégie claire, une infrastructure solide et une concertation large entre les autorités, les banques, les entreprises et les citoyens. Le succès du dinar numérique dépendra de la confiance du public, de la transparence du processus et de la qualité de sa mise en œuvre.
Inspirée par les expériences internationales, l’Algérie a aujourd’hui l’opportunité de faire un saut qualitatif dans la gestion de sa monnaie. Une opportunité à saisir avec prudence, vision et engagement.